C’étaient les années 80

On était jeune, on était fou. Et ce n’est pas forcément un pléonasme. Mais on était surtout inconscient et libre.
On voulait juste se dépasser et montrer aux autres de quoi on était capable. Se prouver aussi à soi-même qu’on existe et que, nous aussi, on a ce petit quelque chose qui nous pousse à mordre la vie. Croquer l’existence par les deux bouts et rester debout. L’adversaire n’était pas le temps qui passe, car on s’acharnait à ne pas le laisser partir indemne. Avec la rage de vaincre qui coulait dans nos veines.

Rien ne nous y obligeait, mais on avait une envie irrésistible de s’y frotter. Il fallait se surpasser, abolir les limites et s’affranchir de toutes règles en vigueur. Sauter le plus haut possible pour éviter d’atterrir et de revenir sur terre. Oublier tout et s’envoler vers l’éternité. Fuir la réalité.
Voilà ce qu’on ressentait sur nos vélos bricolés.
S’émerveiller devant les idoles, passer des heures à reproduire des mouvements volés aux plus grands et se fracasser les genoux. Mais rentrer avec la banane sur la route et des souvenirs plein la tête. Puis recommencer.

La passion nous animait, l’envie d’en découdre avec la vie. Rouler vers l’infini. Chaque trottoir, chaque marche ou racine d’arbre était prétexte à une bonne session et une journée fantastique.
Tremplins de fortune, palettes improvisées et détournées pour des déhanchés sataniques. Rien ne pouvait nous arrêter. Pas de skatepark à cette époque, juste la rue et nous, le meilleur des terrains de jeux. Sans discipline puisque toutes confondues en une seule, celle du fun. 

L’insouciance de la jeunesse et d’un sport encore embryonnaire, ignorant ses propres balbutiements. Personne n’avait conscience qu’il écrivait les meilleures pages de l’histoire du vingt-pouces, le roman de sa propre vie aussi.

Aucune excuse n’était valable. Le froid, la neige, la maladie ou même une éventuelle petite copine, rien ne pouvait nous empêcher de sortir le bike, car rien n’était plus valable à nos yeux et ne méritait mieux que nos petites acrobaties de quartier.
Ce bicross, c’étaient nos ailes. La vie en plus large et plus profond. Comme une piscine sans eau, mais pas sans nous. On tentait de se noyer et de s’enivrer de cette substance appelée Liberté.

La joie des premières fois, le bonheur absolue de réussir une figure inédite…rien ne remplacera ces moments inoubliables. Partagés avec nos amis, nos frères de ride et complices de nos crimes. Car nous étions des vandales, des hors-la-loi et nous le resteront toujours malgré les futiles tentatives d’appropriation.

Défiés par les autres, la vie ou soi-même, nous relevions tout pour nous élever au plus haut rang de la sainte communauté des riders urbains.
Tester les limites d’un nouveau sport, de son corps aussi avec parfois quelques blessures, mais l’âme restait intact. On est resté des enfants toute notre vie. Ce bout de métal et de caoutchouc nous a empêché de grandir, de devenir adulte. Tant qu’on avait des choses à apprendre, on regardait la vie passer avec nos yeux d’enfant.

Et puis finalement, les années ont passé, tant bien que mal. La vie s’en est mêlée, avec son lot de responsabilités et d’épreuves, mais la passion ne s’en est pas allée. Elle reste intacte et nous pousse à nous relever, quels que soient les coups portés. Tant que le cœur y est, on sera toujours là. Debout et fier sur ce petit vélo, qu’on appelle aussi BMX.

 

ARTICLE RÉDIGÉ PAR UN HUMAIN
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