Aude Cassagne est une exception. De loin la meilleure flatland rideuse française et très certainement mondiale, la toulousaine est aussi humble que talentueuse. Elle est la preuve vivante que les filles n’ont rien à envier à leurs homologues masculins sur ce terrain et qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une carrure de déménageuse pour réussir les plus gros tricks de BMX. Son niveau n’a d’égal que sa gentillesse et c’est tout naturellement qu’elle s’est glissée sur les plus hautes marches des podiums lors des compétitions de BMX, que ce soit dans la catégorie girls ou chez les hommes. Alors qu’elle fait un énième retour fracassant et se classe en tête des gros contests digitaux de l’année 2020, Aude nous fait l’honneur de répondre à quelques questions dans ce bref entretien.
Photos : Maxime Cassagne
Que peux-tu nous dire de toi ?
Je m’appelle Aude Cassagne, j’ai 30 ans et je vis maintenant à Bordeaux.
Et comment présenterais-tu le BMX au grand public ?
Alors, je parle du BMX flat puisque c’est la discipline que j’ai pratiqué : le but c’est de faire des figures avec ce petit vélo et ses cale-pieds directement sur le sol et sur une roue, donc un jeu d’équilibre ! Il faut juste un sol plat, un vélo et de l’entrainement…
Comment as-tu connu ce sport et qu’est-ce qui t’a séduit ?
Mon frère Maxime avait commencé le BMX flat, et on est allés en famille au FISE en 2002, et au final moi aussi je suis restée scotchée devant l’aire de flat, je trouvais ça génial, tout ce qu’ils arrivaient à faire avec, alors que ça paraissait impensable…Quelques mois plus tard, mes parents m’offraient mon BMX 16 pouces et j’ai commencé avec mon frère et quelques copains !
Ce qui m’a beaucoup plu, c’est le côté défi contre soi-même qui est génial, et aussi le fait que les figures procurent des sensations super agréables, tout ce qui est en rolling ça donne l’impression de flotter…
Tu définis le BMX plus pour son coté artistique ou sportif ?
Alors à mon niveau je le considère essentiellement comme un sport, ça sert de défouloir ! Mais quand je vois les pros rouler c’est tellement beau (en plus d’être carrément sportif) et là oui, c’est franchement de l’art aussi !
Quelles qualités mentales et physiques faut-il pour pratiquer le BMX ?
Je dirais que la principale qualité, c’est la persévérance : c’est sûr. Il va falloir essayer des tas de fois pour réussir une figure, mais même l’apprentissage est gratifiant, de voir que petit à petit on s’améliore, et quand ça rentre pour la première fois c’est tellement fou, on est tout seul sur son spot et on est tout content ! Après, la concentration c’est vraiment hyper important, au moment où tu roules tu peux pas penser à autre chose, mais du coup ça aide vraiment à faire le vide aussi ! Par contre je ne pense pas qu’il y ait forcément de qualités physique nécessaires honnêtement… C’est surtout une histoire d’équilibre, pas une histoire de muscles.
Peux-tu nous parler de ton parcours depuis tes débuts ?
J’ai commencé le flat quand j’avais 12 ans, j’ai été vraiment passionnée pendant le collège, le lycée et le début de mes études de médecine. Après, ça m’a un peu passé, j’ai arrêté pendant 2 ans à peu près, et on va dire que depuis l’envie me reprend par à-coups ! Je garde toujours le vélo sous la main. Dernièrement j’avoue que je m’éclatais plus avec le badminton, et je me suis mise au tennis aussi ! Bon, j’aurais peut-être pas dû le dire mais c’est la vérité !
Dans ce sport avant tout créatif, as-tu des inventions ou créations à ton actif ?
Alors je pense que je n’étais pas assez douée pour ça : même quand je roulais énormément, j’avais quelques petites idées de trucs que j’avais jamais vus, mais j’avais clairement pas le niveau pour… et juste un peu plus tard tu voyais quelqu’un faire ça dans un gros enchainement sur une vidéo… haha. Remarque, Matthieu (Bonnecuelle) arrivait à trouver des trucs hyper originaux même quand il débutait… mais c’est un extra-terrestre.
Le BMX est un sport assez prenant, comment arrives-tu à concilier l’entrainement avec tes études de médecine ?
Oui c’est sûr que le vélo il faut en faire très souvent pour progresser ou même garder son niveau, mais au final j’ai toujours trouvé que le BMX (le sport en général) faisait tellement de bien psychologiquement aussi qu’en plus de me faire plaisir, ça m’aérait la tête et quand je me remettais au boulot j’étais plus efficace. Les fois où j’arrête de faire du vélo c’est clairement pas par manque de temps, c’est juste l’envie qui passe… et qui revient par moments !
Tu dépasses largement le niveau des femmes et même des hommes parfois, comment expliques-tu cela ?
Et bien déjà les filles qui roulent je pense qu’on peut les compter sur les doigts de pas beaucoup de mains… et moi à l’époque j’ai énormément roulé, c’était vraiment mon truc. Et y a pas de secret, quand tu roules beaucoup tu vas progresser… mais faut le vouloir !
Le fait d’être une fille dans ce sport a été un avantage ou un inconvénient pour toi ?
Hum, j’ai envie de dire aucun des deux, ou en tout cas pas un inconvénient. Le flat c’est vraiment hyper familial et tout le monde est content de voir des filles qui se mettent à rouler… Et en plus quand je faisais quelques contests, on n’avait pas trop de catégorie filles avant, tout le monde était mélangé, donc je me retrouvais genre 2ème alors que c’était clairement pas mérité haha…
Le ride et principalement le BMX Flat est assez populaire dans la famille, vous ridez souvent ensemble ?
Avec mon frère oui beaucoup, et forcément quand on habitait tous les deux à Toulouse, c’était top, on a eu une bonne période ou on roulait hyper régulièrement ensemble, presque tous les jours, et ça se terminait par un petit repas ensemble et un film vautrés devant son vidéoprojecteur, très bons souvenirs !
Ton meilleur souvenir en BMX ?
Difficile à dire… mais je me souviens le premier contest de flat auquel on est allés avec mon frère, c’était le Circle Cow en 2013 je crois. Je pense qu’à ce moment, il y avait beaucoup moins de vidéos qui circulaient, pas d’instagram etc, donc on était comme des fous de voir tous ces gens en faire… Trop contente d’avoir connu cette époque ! Je me rappelle encore quand on a garé la voiture sur le parking, on a ouvert la porte, et on entendait le son de la musique qui sortait du gymnase…ce sentiment d’excitation c’était fou !
As-tu testé les autres sports de glisse ?
Haha oui, un peu de ski et de snow, un week-end par an ça me va, donc gros niveau tu imagines, et aussi…je prends de très belles mousses en surf, héhéhé ! Mais c’est marrant j’avoue, à mon niveau tu peux pas te faire mal, tu tombes dans 50 cm d’eau… nickel.
Le BMX qui arrive aux JO, t’en penses quoi ?
Quand même je suis contente pour le sport parce que ça apporte une chouette visibilité, et forcément plus de reconnaissance pour tous ceux qui sont hyper dévoués à ce sport, tout le boulot qu’il a fallu pour arriver à faire ce qu’ils font sur le vélo… Disons que ça doit un peu officialiser dans l’esprit du « grand public » le côté performance sportive, et pas juste une lubie bizarre de post-ado… Après c’est clair que c’est tellement vaste comme discipline, que j’aimerais pas être à la place des juges…
As-tu une idole ou un modèle ?
Il y a beaucoup de gens que je trouve incroyables en flat, difficile d’en citer qu’un, Jean-William Prevost, Matthias Dandois, Benjamin Hudson…et un bon paquet de japonais aussi !
En tant que future médecin, quel conseil donnerais-tu aux riders ?
Ca y est pour ma part les études sont finies ! Mais c’est pas pour autant que j’ai un conseil à donner dans ce cadre-là… du coup je vais dire : « évitez de manger trop gras trop sucré et trop salé »…
Un message pour celles et ceux qui souhaitent se mettre au BMX ?
Très bon choix ! Le flat c’est top pour les sensations que ça peut procurer, il faut juste beaucoup de patience mais ça vaut le coup ! Et en plus, tu peux le faire en période COVID ! D’ailleurs je vais ressortir le mien…
Bon courage à tous !
Photos : Maxime Cassagne