Entretien avec Lotfi Lamaali

On ne présente plus Lotfi Lamaali, véritable virtuose du lonboard dancing qui a su développer sa discipline au travers de nouveaux tricks perso mais aussi en organisant des événements pour rassembler la communauté des skateurs et amateurs de grandes planches.

Voici quelques mots sur sa vie, son parcours et ses nombreuses occupations.

Avant de parler de ta discipline, quelques mots sur toi ?
Je m’appelle Lotfi Lammali et j’ai 34 ans. Je travaille dans les telecoms (consultant chez Orange) depuis une dizaine d’années maintenant et j’habite à Paris depuis que je suis venu de Casablanca il y a 13 ans.

Comment as-tu découvert le longboard ?
J’ai commencé en 2008, j’avais alors 25 ans. Je faisais pas mal de descente (DH) au début et j’aimais cette sensation qu’on pouvait retrouver avec le roller mais sans les pieds attachés à quelque chose. À l’époque, je pratiquais aussi beaucoup le basket-ball et je jouais de la musique. Je joue de la guitare depuis 17 ans maintenant. J’étais plus inconscient à cet âge-là, même si je n’ai jamais eu d’accident grave. Juste une cheville tordue ou des choses comme ça mais c’est tout.  Le déclic a eu lieu ensuite lorsque j’ai visionné les vidéos d’Adam Colton en dancing, une discipline qui se rapprochait du domaine de la musique avec cette improvisation et cette ouverture, cette possibilité de création que ça apporte. Je passais beaucoup de temps ensuite à regarder les vidéos de la marque Loaded au début et je ridais au moins 3 heures par jour, tous les jours de l’année sans exception.
Avec mes potes Florian et Alex, on ridait au début sur le spot du Trocadéro et j’ai pu faire quelques trips de freeride un peu partout, comme celui du Portugal par exemple.
J’ai passé pas mal de temps à apprendre les crosstep et les tricks de base. Ma première planche était une Sector 9 avec laquelle j’ai ridé quelques mois, ensuite je suis passé à une Pintail de chez Loaded puis la Dancer et enfin j’ai fini avec la Bhangra avec laquelle j’ai ridé une dizaine d’années.
Par la suite, j’ai obtenu le contact de Adam Stokowski de loaded à Los Angeles et j’ai pu aller le voir directement. Le manager de la marque m’a vu skater et il m’a proposé de les représenter en France. Marc de BoardZ a appuyé la candidature et ça s’est fait depuis 2011. Je me vois pas aller ailleurs car je suis vraiment convaincu par leurs produits et en plus il y a une super entente entre nous.

Parles-nous un peu de la board Tarab ?
On a bossé ensemble sur le modèle baptisé Tarab, qui n’est pas une board signature à proprement parler mais le résultat de deux années de collaboration et de brainstorming avec Loaded. Ce n’est pas mon Pro modèle même si la marque s’est inspiré de mon identité culturelle pour définir celle de la planche. Parmi mes autres sponsors, il est important qu’on parle aussi de Paris Trucks avec lesquels j’entretiens d’excellentes relations. J’ai pu faire de beaux voyages avec eux, surtout en Chine et on a pas mal de projets à developper dans les années à venir. Sponsor ou pas, ça reste les meilleurs trucks du marché pour moi. J’ai la chance d’être aidé par des marques que j’affectionne et qui sont au top à mes yeux.

La Dock session, ça vient d’où ?
Ça aurait pu être une suite logique dans tout ce que je fais comme ambassadeur de marque mais ça n’a pas vraiment commencé comme ça. J’ai toujours été très actif sur les réseaux sociaux avec des vidéos et des photos mais j’avais envie de faire autre chose pour la communauté du longboard.
En 2012 et 2013, avec Alex, on croisait beaucoup de riders dans Paris et comme le skate c’est très communautaire, forcément il y a toujours un petit signe de sympathie quand on se regarde. Et ça m’est arrivé de discuter avec des gars qui aiment rider mais qui ne trouvent pas d’endroits pour des rassemblements sur Paris. Sur Facebook, y avait rien ou alors l’information ne circulait pas. Donc je me suis dis qu’il y avait du potentiel et pourquoi pas rassembler ces gens. Et un jour avec Alex, on passait sur les quais, en face du musée d’Orsay et il y avait quelques gamins qui jouaient et des types en roller en face des péniches. Il y avait une bonne ambiance, qu’on ne retrouvait plus au Trocadéro à cette l’époque (même si c’est revenu aujourd’hui). Donc on s’est dit qu’il y avait un super spot, ouvert à tous, familial et convivial sur les berges. Et surtout un spot libre qu’on pouvait exploiter. Le soir même, on est rentré et on a commencé à faire un brainstorming pour trouver le nom et celui de « Dock session » s’imposait vu qu’on était sur les docks.
Ensuite, j’ai crée l’événement sur Facebook mais je voulais faire les choses différemment. Je voulais y incruster de la musique car une session c’est avant tout des gens qui se rassemblent mais je ne voulais pas qu’il y ait uniquement des riders. Je voulais aussi rassembler des gens qui n’ont rien à voir avec le longboard et qui pourraient être piqués par le virus par la même occasion. Donc j’ai pensé à proposer des petites jams de musique, comme ça on était sûr d’avoir une bonne ambiance. Donc la première session, c’était ça. On était plus d’une centaine. Des gens qui venaient avec leur pack de bière, avec leur Djembé, leur guitare… Il n’y avait rien d’organisé mais c’était assez spontané et ça marchait très bien. Et toutes les autres aussi étaient réussies, on était toujours une centaine et il y avait un vrai engouement pour ce rassemblement. C’était en avril 2014 et on avait décidé de se concentrer uniquement sur Paris au départ.

Puis vous l’avez exporté…
L’année d’après, on s’est dit que ce concept marchait bien donc on a essayé de l’exporter sachant que la Dock Session n’est pas une entreprise. On ne gagne pas d’argent avec ça. On se basait uniquement sur la motivation des gens donc j’ai contacté des riders à Toulouse et Bordeaux en leur présentant le format et ce qu’on voulait faire.
En 2015, on avait aussi Lille, Bordeaux, Toulouse, Nantes… avec des sessions un peu partout. Mais ça s’est tassé avec le temps parce qu’il n’y a pas la même motivation qu’ailleurs, ce que je trouve bizarre et dommage. En France, ça marchouille en dehors de Paris.

Et à l’international ?
Comme je voyageais beaucoup avec mes sponsors (Japon, Corée du sud, Taiwan, Los Angeles, Maroc…), j’ai pu y rencontrer beaucoup de gens motivés et je leur ai proposé de developper la Dock Session chez eux. On est donc passé d’une  simple session locale parisienne à un mouvement international pour la promotion du longboard et pour connecter les passionnés de cette communauté. Le but étant de créer un lien, une sorte de Airbnb du skate quoi. Si un parisien veut partir Skater à Singapour, il avait juste à écrire sur la page de la Dock Session du pays et c’est d’ailleurs ce qui est arrivé.
La première communauté internationale avec laquelle on a commencé à travailler était le Japon et les mecs étaient hyper motivés. Ils étaient très respectueux et très bienveillants par rapport à ce projet. Le but était de réunir tous ces petits groupes de riders qui skataient à 5 ou 6 par spot et les regrouper. Et aujourd’hui, ils font des sessions à 30 par semaine depuis deux ans. Pareil au Maroc, à Singapour, San Diego, Los Angeles, Corée du sud ou encore le Pérou mais ça marche moins bien la-bas car on se heurte aussi aux questions culturelles… Aujourd’hui quand on parle de Dock Sssion on fait  référence automatiquement à la communauté longboard mondiale (surtout dancing).

Et la grosse rando ?
Il y a trois ans, on a décidé d’organiser une randonnée dans Paris. On pensait qu’on serait 300 personnes maximum et ce que serait ouf mais on a dépassé les 1000 et c’était complètement dingue ! Donc on s’est dit qu’il fallait absolument le refaire tous les ans parce que c’est juste génial de regrouper autant de monde. La seconde année, on a fait ça avec l’association RiderZ pour faire les choses en règle mais on a reçu un refus de la part de la préfecture. Donc la troisième année, on s’est dit qu’il nous fallait un statut juridique. Maintenant on est une vraie association et le but est de promouvoir le longboard dancing au travers d’évènements sportifs et culturels. On a fait un événement avec la Surf Rider Fondation puis avec la fondation Movember et aussi des ateliers ouverts à tous pour la société qui gérait les berges.

Si quelqu’un veut apprendre cette discipline, y a t-il des cours ?
On a 190 membres dans le club mais ce qui m’intéresse c’est le coté spontané de l’assoce et le partage entre passionnés. Je ne cherche pas un truc super encadré car on pourrait perdre ce coté spontané et ouvert du longboard. C’est ce qui m’a plu au début, rencontrer des gens sympas qui te font tester le truc et t’apprennent les bases de ce sport. Des gens comme Abou, Roxane, Cassandre… qui ont évolué avec la Dock session. Je me base sur ces personnes là qui ont de l’expérience, qui savent rider et qui ont la technique pour transmettre. L’association est encore fraîche et on a des projets de compétitions et de rassemblement mais pour le moment, notre activité principale, c’est la session hebdomadaire. Pour l’instant, j’ai pas vraiment le temps pour développer un coaching perso dans un cours encadré. On organise parfois des ateliers pour un groupe de personnes mais il n’y a pas un suivi derrière.
Là on est encore en mode « touche pas à mon poste », c’est à dire qu’on est dans l’impro totale. Ça part en c****** dans tous les sens. C’est un peu le même délire. Un bordel organisé quoi. C’est bien organisé mais on laisse une grande partie à l’improvisation et la spontanéité.

Des projets perso, des vidéos, des trips ?
Depuis fin 2017, j’ai eu plein de nouveaux projets dont celui qu’on a fait pour Youtube. Franklin, le gérant de la Fabrique Royale m’a confié la direction artistique du spectacle. J’ai travaillé en binôme avec l’excellent Skorpion qui a chapeauté toute la chorégraphie. Je suis content du résultat car le spectacle était vraiment cool. J’ai aussi fait une vidéo pour le centre commercial Créteil Soleil et une collaboration avec Warner pour un clip de la chanteuse Roni Alter (voir ci-dessous). Et là je viens de finir de tourner une pub pour la marque LifeProof avec une wakeboardeuse et un bmxer qui sortira en février et il y a aussi la Grosse rando 4 que je suis déjà en train de préparer. Sinon, je pars au Maroc en février pour me la couler douce parce que j’ai besoin de vacances…

Tu ne vis toujours pas du longboard cependant…
Non, Je n’en vis pas encore car j’ai un métier à coté, chef de projet dans les télécoms, donc je suis toujours un peu sous l’eau parce que j’ai beaucoup de boulot et je ne peux gérer mes activités de longboard que quand je rentre chez moi.
Je remercie au passage mes parents et ma copine qui me soutiennent beaucoup dans ce que je fais. Et bien sûr, Loaded et Paris Trucks qui me font confiance et qui me permettent de continuer à faire tout ça. Et évidemment toutes les membres de la Dock Session qui m’aident beaucoup car ils sont tous très impliqués. Merci à vous.

 

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