Entretien avec Mustapha et Déborah, le duo du BMX

Mustapha Meghaizerou est un rider de longue date. Un des meilleurs flatlanders français des années 2000. Après une période faste et riche en victoires au début du millénaire, on l’avait un peu perdu de vue mais en fin de compte, il n’a jamais cessé de pratiquer et transmettre sa passion pour le BMX Flatland. Depuis peu, sa copine Déborah l’accompagne sur le spot pour rider et partager des sessions endiablées. C’était l’occasion de faire un point avec celui qui a choisi un autre axe et une autre vision du ride en privilégiant le coté spectacle et artistique du BMX.

Allez Mus, dis-nous tout. Nom, prénom, profession… 
Meghaizerou Mustapha, Flatlander / Filmmaker.

Comment et quand as-tu découvert le BMX ?
J’ai découvert le bmx en 1996 car je regardais toujours les matchs de NBA avec mon frère à l’époque. Un jour, pendant la mi-temps d’un match, un gars a fait une démo de flat, c’était Trevor Meyer. J’ai trouvé ça super cool !! Ni une ni deux, j’ai pris le bmx de mon frère direct pour tenter de cabrer, sauter, déraper, c’était trop chouette. 27 ans plus tard, je suis toujours sur le bike.

Qu’est-ce qui t’a séduit dans ce sport ?
Sans vouloir paraître cliché, c’est une liberté immense de créativité, tu fais la figure que tu veux, tu roules quand tu veux, t’as personne qui te soule ou presque

Quelles sont les valeurs et qualités d’un bon bmx rider selon toi ?
Je pense que la première qualité d’un rider, c’est l’amour qu’il porte à son Bike. S’ il est vraiment en amour avec ce qu’il fait, il surmontera tous les obstacles car ils sont nombreux. En second, le respect des riders qui l’ont précédé. Beaucoup de riders ont contribué à cette pratique mais si tu l’oublies t’es vraiment un petit con alors il faut s’amuser sur son vélo c’est le but principal.  J’ai vu beaucoup de riders lâcher prise car ils se frustraient de par leurs objectifs, ils en ont oublié l’amusement. Il faut savoir prendre du recul dans cette pratique, par exemple, parfois se stopper quelques jours, faire autre chose et revenir ensuite. Généralement ça fonctionne.

On t’a vu progresser comme un tigre volant au début des années 2000 puis plus rien. Que s’est-il passé pour toi entre 2005 et aujourd’hui ?
Pas plus rien, j’adorais les compétitions. Il y avait toujours une chouette ambiance, mais le Bmx n’était pas ma seule passion. Je bosse mon freestyle depuis 27 ans, la tête dans le guidon. Par contre j’ai fait des choix dans ma carrière. J’ai décidé d’arrêter les compétitions pour me lancer dans mes autres passions et cette fois-ci me consacrer au théâtre et au spectacle en général, toujours avec mon bike. Passionné de théâtre et de littérature depuis tout jeune, merci Papa, jouer la comédie avec un vélo me tenait à cœur. J’ai très vite pris des cours de théâtre et aussi intégré des compagnies de cirque en parallèle. Je ressentais le besoin d’expression artistique comme j’ai pu le vivre pendant les années de Compèt’ et le monde du spectacle m’a permis de continuer dans cet épanouissement.
De spectacles en spectacles, un jour j’ai décidé d’en écrire un, Vélocité est né, cette création retraçait mon enfance dans un quartier jusqu’à la découverte du bmx. Ce spectacle m’a démontré que le BMX a été une clef de sortie, de découverte du monde et un moyen de détruire les faux préjugés que j’avais.
Finalement, ce mur qui me bloquait n’était pas si solide avec cette conclusion extraite de mon spectacle :  “Mon grand père n’a pas eu le choix, mon père peu de choix et moi tous les choix s’offraient alors,  donc à moi de faire ce que mon grand père et mon père ont rêvé de faire”.  Je ne suis pas mécontent de ces choix car au final j’ai toujours gardé mon vélo.
Un jour je reçois un mail me disant qu’il montait un spectacle pour leur 25eme anniversaire, c’était le Cirque du Soleil, par chance, je vivais à ce moment au Canada, je les ai contacté direct et le lendemain matin j’étais dans leur bureau. C’était un rêve qui se réalisait. Je savais que ça allait être l’occasion de faire des rencontres inoubliables et c’était le cas, encore une fois je vivais à nouveau ce que j’avais connu à l’époque des compétitions, les choses ne sont jamais figées. En parallèle, je trouvais toujours le moyen de rouler avec des riders dans chaque endroit où je travaillais, c’est comme ça que j’ai rencontré les riders canadiens et que j’ai rencontré entre autres Jean William en 2006 d’où l’ITW que j’ai fait de lui en 2019.     Dans un deuxième temps le cinéma m’a toujours passionné, l’objet, la caméra, la réalisation et de fil en aiguille j’ai réalisé des court-métrages des docs portraits et bien sûr mon rêve serait de réaliser un long métrage, un projet sur lequel je travaille depuis 5 ans maintenant, on verra bien en tout cas je ne lâche rien, les rêves c’est bien .
Je me rappelle qu’ en 2015, j’étais sur mon spot et je me suis rendu compte que je faisais tout le temps les mêmes figures, je n’évoluais plus du tout.
Je me suis mis à refaire toutes les figures. J’avais un petit cahier où je notais tout. Je faisais comme une remise à zéro de tout ce que j’avais appris. On peut dire que je me suis bien cassé la tête. Par la suite j’introduisais des figures nouvelles ou des transferts, en gros je me mettais dans un combo et j’essayais de le faire de différentes manières et revenir sur les pédales tout le temps. De passer par là m’a permis de me retrouver en temps que rider, je pense qu’avant ça je m’étais perdu dans un certain style de riding qui ne me faisait plus progresser. J’ai pu débloquer les choses ce qui me permet aujourd’hui d’apprendre de nouveaux trucs même si je n’y arrive pas tout le temps, en tout cas, c’est beaucoup plus épanouissant.

Aujourd’hui, tu considères le BMX comme un loisir ou ton job ?
Un loisir et un travail parce que ça me permet de vivre, de payer mes factures, mais pour moi c’est avant tout une philosophie de vie. J’ai toujours gardé ça depuis le début. Aller rouler sur un parking est une joie immense encore aujourd’hui, alors le faire devant un public pendant un show je trouve ça super. J’ai toujours en tête d’incruster le bmx partout où c’est possible en tout cas de le partager avec le plus de monde. Je suis persuadé que ce petit vélo peut aider.

La quasi-totalité des riders interviewés sur ce site sont des compétiteurs mais pas toi. Tu as opté pour la face artistique du BMX. Pourquoi ce choix ?
La compétition est une manière d’expression mais ce n’est pas la seule, effectivement les riders qui font de la compétition font évoluer ce sport très fortement, parce qu’il faut envoyer de nouveaux tricks régulièrement pour gagner et respect pour ca, mais je pense aussi que le bmx évolue également hors compétitions. Il s’adapte à la scène, à la piste de cirque et tant d’autres. J’aime ces deux univers, artistique et compétitions. Je ne fais plus de compétitions depuis longtemps mais pourquoi pas en refaire un jour pour le fun.

Tu privilégies le côté spectacle et show du sport, qu’est-ce que ça t’apporte ?
De l’argent (rire), ce qui m’intéresse dans les shows ce sont les lieux insolites et donc la rencontre avec différents publics, ce que je veux dire, le public qui va au FISE s’attend à du sport extrême c’est ce qu’il recherche et c’est très bien, alors que lors d’un show le public, très souvent ne s’attend pas du tout à voir un bmx sur la scène et c’est ça que j’aime, cet effet de surprise

Tu es aussi dans la transmission avec des initiations fréquentes, tu peux nous dire exactement de quoi il s’agit ?
Transmettre ma passion, j’adore ça. L’initiation bike est une branche de mon travail.  J’interviens dans les centres sociaux, culturels, les mairies et plein d’autres endroits. Il m’est même arrivé de donner des cours à des détenus. Au niveau matériel, je possède cinq bmx dans mon atelier que je mets à dispositions lors des initiations.
Le bmx est une question de transmission. En 1998, dans ma ville, j’ai eu la chance de rencontrer Armin Batoumeni et Christophe Dassie. Le boss d’un magasin de cycle m’avait invité car il organisait une démonstration de bmx avec des pro de Paris. J’étais excité et c’est comme ça que j’ai rencontré les regulars qui m’avaient invité à faire la démonstration avec eux. Par la suite, Armin m’a pris sous son aile ainsi que toi Manu. C’est toujours un partage.

Suis-tu les compétitions ou t’en as rien à foutre ?
Oui. J’ai toujours regardé les compétitions, très fan des riders Japonais et de leur évolution. A chaque nouveau contest, ils ont toujours un nouveau tricks à nous faire partager. Quel spectacle!

Quel est ton trick fétiche ?
Mon tricks fétiche, c’est un bon parking, un bon soleil, pas de vent, des potes riders et une bonne bouffe pour conclure.

Depuis quelques temps, tu rides en couple avec ta chérie. Comment ça se passe ?
C’est un rêve. Quand j’ai rencontré Deborah, on a tout de suite parlé de bmx. Sa passion pour les sports extrêmes est bien forte. On a commencé à rouler ensemble dès la première semaine. Imagine le kiff que je ressentais, un pur bonheur, on se comprend très vite, elle m’aide énormément à garder le cap avec mon vélo.

Questions à Déborah
Ça fait quoi de rider avec son homme ?
C’est toujours le gros kiff quand on part rider ensemble en amoureux. On prend les bikes et on pédale jusqu’au spot à n’importe quelle heure, pas de question, pas de convention, on fonce. Ce sont toujours des sessions endurantes et créatives peu importe les conditions météo. Je vois Mustapha expérimenter de nouveaux tricks et j’aime le voir se dépasser et rester passionné malgré des sessions où les tricks passent pas du premier coup mais il ne lâche jamais. Ça me donne la patate de rouler à ses côtés et je l’encourage toujours.

Tu connaissais le BMX freestyle avant de fréquenter cet individu patibulaire ?
Oh que oui!!  Le sport extreme a été ma première passion transmise par ma tante amatrice de surf. On regardait des contests et des films de Surf ensemble. Je me rappelle la voir préparer sa planche pour partir au spot de Lacanau “Faut que ça slide ma Filleule” comme elle disait. Au fil du temps j’ai finalement persuadé mes parents de m’acheter un BMX car je regardais tout le temps la chaîne Extrême pour les Contests de BMX et pour mes 14 ans j’ai eu la super joie de déballer un Bmx Mongoose Hustler. WOW le Kiff!!!
Je partais au collège en BMX par tous les temps, je roulais dans les parkings absolument pas adaptés (rires) mais peu importe j’essayais des figures accessibles, squeak en rolling backward, seule figure que je maintenais. Puis j’ai laissé un peu le BMX pour d’autres sports comme le Hockey sur glace et le roller.

Tu es aussi artiste d’après ce que j’ai pu voir. Apportes-tu une touche créative à ton riding ?
Dans le riding, j’écoute surtout Mustapha pour ses conseils de Pro Rider mais en ce qui concerne le look du bike, je me suis lâchée dans la customisation de mon vélo. Étant aussi artiste graphiste en plus de musicienne, j’ai choisi de dessiner un motif japonais sur mon cadre St Martin puis la customisation en couleur a débordée sur les accessoires : roues, guidon, poignées, pédales, pegs …

Avez-vous pour but de monter un spectacle en duo ?
Oui bien-sûr, nous avons de belles idées pour un duo Flat Bass, le but étant de raconter une histoire sur scène et que chacun s’exprime via son art et inversement pourquoi pas le rider sur la basse et la musicienne sur le bike?? (rires).
On a plus l’habitude de voir un rider flatland accompagné du piano classique ou d’un violoncelle ce qui est très poétique mais la basse a beaucoup évolué depuis 20 ans comme le Flatland aussi et il est temps de les mettre en scène ensemble!

Tu penses être meilleure que lui dans combien de temps ?
Il est trop fort mon rider préféré mais pour le vanner je lui dis genre tu pourrais me remercier! Je t’ai bien enseigné le freestyle depuis que je suis dans ta vie! (rires)

Comment est la scène BMX dans l’est de la France ?
Je ne connais pas la scène BMX dans le Grand Est mais si des bikeuses cherchent à faire des jams ce serait avec plaisir!!

As-tu un message ou un conseil pour les filles qui souhaitent se mettre au BMX ?
Je conseille aux filles de se mettre au BMX car ce petit vélo a le pouvoir de dégager les tracas de la vie. On a un sentiment de glisse, de liberté qui fait beaucoup de bien dans la vie et la cerise sur le gâteau, ce sont les sessions estivales en nocturne pour le coucher de soleil, 30 degrés sur le spot, rouler en tee shirt, c’est le méga kiff de l’année!!
Même si le flatland demande beaucoup d’endurance et de patience, rouler par tous les temps, en hiver ça pique les mains et on pèse 100 KG sur le bike avec les doudounes, ça reste un vrai défi personnel mais ça permet de rester modeste car on se fracasse bien le tibia en session, suffit juste d’un petit coup de potence (rires) par contre c’est le meilleur moyen d’avoir un corps fit toute sa vie tout en mangeant de tout, on ne se prive pas de burgers et ni de glaces quand on ride tous les jours! (rires)

Avez-vous des idoles ou des modèles dans le domaine artistique ?
Mustapha a rencontré le BMX avec Trevor Meyer et il m’a fait connaître ses références comme Chase Gouin et tant d’autres et pour moi, la basse, ça a été suite à la diffusion d’un live de Jamiroquai puis j’ai fait la rencontre de la discographie de Jaco Pastorius (bassiste américain) ce qui m’a fait prendre un autre cap vers le jazz moderne américain.
D’ailleurs Mustapha adore la funk, il écoute beaucoup James Brown ce qui m’arrange parce que je travaille ma basse essentiellement sur la funk et le disco donc pas de guerre sur la playlist à la maison (rires).

Suivez-vous l’évolution des riders et les tricks pour vous mettre à jour ?
Oh que oui, que ce soit dans le Flatland ou même dans les autres disciplines comme le street, Dakota Roche est très inspirant ou Kio Hayakawa pour le Flat.

Que peut-on vous souhaiter pour les jours prochains ?
Des bonnes sessions en espérant avoir un super été, et trouver une salle pour l’hiver prochain .

Des projets de shows, spectacles ou autre ?
L’été va être chaud en Show pour nous deux, des shows démos et initiations bike pour moi et concerts et conférences sur la basse pour ma chérie. Saison chargée!

Des gens à remercier ?
Je n’y suis pas arrivé tout seul. J’ai toujours été soutenu par mon entourage, toujours quelqu’un pour m’aider, venant de la compétition et du monde artistique, mais bien-sûr ma famille en premier.

Merci à toi

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