Entretien avec Jeff Corsi, vice-champion du Monde de longboard dancing et actuel champion de France de cette discipline ultra tendance qui allie esthétisme, créativité et équilibre.
Un sport artistique à la frontière des deux mondes, une chorégraphie sur un dance-floor de 1,50 mètres de long tout en mouvement. Quasiment aucun autre sport ne provoque ces sensations tout en restant l’un des plus accessibles de l’univers de la glisse urbaine. À 31 ans et 10 années de ride, Jeff est au top de sa carrière et maitrise parfaitement cette nouvelle discipline de la « planche à roulettes » grâce à sa vitesse d’exécution, sa précision et son originalité dans cette pratique moderne.
Tu as dû déjà le raconter des centaines de fois mais pour les nouveaux qui nous lisent, peux-tu nous dire quand et comment tu en es venu au longboard ?
Très jeune, je pratiquais le surf et adolescent je me suis mis au skate. Vers 2010, je me suis rendu compte que je pouvais retrouver les sensations du surf sur le bitume grâce à une planche de longboard. Depuis cet instant je ne me suis jamais arrêté.
J’ai lu que ton grand-père t’avait acheté ton premier skate à 10 ans, pourquoi avoir bifurqué sur le dancing ?
À cette époque c’est vraiment le manque de l’océan et du surf qui m’a fait bifurquer sur le dancing. J’avais un peu le sentiment de surfer dans les rues quand j’étais sur une longboard. Beaucoup moins quand j’étais sur un skate. Je m’aperçois avec le temps et le recul que ce qui me plaît dans le dancing c’est le fait que c’est une continuité du mouvement. Le skate c’est bien souvent, même si c’est très artistique, figé à un instant T.
Quelle est ta propre définition du longboard dancing ?
Faire un enchaînement de mouvements artistiques avec et grâce à sa planche. Le maître mot c’est l’esthétisme.
Selon toi, pourquoi ce sport est au-dessus des autres pour que tu pratiques celui-ci ?
Je ne dirais pas qu’il est au-dessus des autres sports. Mais il m’a tapé dans l’œil, ça c’est clair (haha). Pourquoi ? Car comme le skate c’est une redéfinition de l’espace mais c’est aussi une recherche permanente de créativité dans le mouvement de son corps.
Quelles qualités faut-il pour pratiquer ce sport ?
Le longboard dancing est accessible. Les premiers pas peuvent être appris assez rapidement. Les aptitudes travaillées sont : l’équilibre, la créativité, le dépassement de soi, et encore et toujours l’esthétisme.
Quelle place a la créativité dans ton riding ?
C’est très important. Cela tient une place essentielle. J’ai même des sessions d’entraînement dédiées à créer de nouvelles techniques (pour ce genre d’entraînement je m’isole car cela ne ressemble pas à grand-chose) mais à la fin il y a, de temps en temps, des choses qui apparaissent. Je me rends compte aussi, de plus en plus, que l’erreur de trick ou de mouvement laisse souvent place à une nouvelle idée. C’est une forme de créativité.
Un activité basée sur la créativité est plus un art à part entière selon moi et le longboard est un des sports les mieux placés à ce niveau. Tu te considères plus comme un artiste ou un athlète alors ?
Il y a quelques années je t’aurais répondu plus comme un artiste mais aujourd’hui je te dis les deux car j’ai des ambitions côté sport et j’aime performer.
Tu privilégies plutôt les tricks ou la danse sur la board ?
C’est une question que je me suis beaucoup posée dernièrement. De base je fais plus des tricks que de dancing mais je suis actuellement en train de redéfinir mes entraînements pour faire du 50/50. Mon but est de développer mon panel de mouvements en dancing sans oublier les tricks, évidemment.
Toi qui a beaucoup voyagé, quel est le meilleur endroit du monde pour rider en longboard ?
Il y en a plusieurs, c’est certain. J’ai de très beaux souvenirs en Californie à Venice mais aussi au Portugal à Santa Cruz. Cela dépend aussi du plaisir pris et du moment partagé avec les gens autour de soi. J’aime aussi énormément Paris qui est un incontournable pour notre discipline. Rider sur les descentes du Trocadéro et sur les quais de Seine, c’est le pied.
Quelques mots sur la Dock Session, ça reste l’endroit incontournable pour débuter le dancing ?
Clairement ! La Dock Session est le rassemblement hebdomadaire incontournable pour débuter, rouler entre amis et progresser. Nous avons une approche très inclusive et tout le monde est le/la bienvenu. Le but est de partager dans la bonne humeur quel que soit le niveau.
La compétition est une chose importante pour toi ?
Oui, la compétition m’a appris beaucoup de choses sur la détermination, la patience et la consistance. Ce sont des moments qui peuvent être magiques et des fois très durs. Mais plus j’avance et plus j’aime ces moments particuliers.
Tu as dernièrement fait de bonnes places sur les contests, qu’est-ce que cela t’apporte ?
Cela m’apporte de la visibilité et des interviews comme celle-ci (haha). Cela me permet aussi de faire des partenariats avec certaines marques. Par-dessus tout cela me fait grandir. Pour moi la compet c’est un apprentissage de soi.
Tu t’entraines à faire des runs ou tu improvises en compétition ?
Je m’entraîne ! Plus encore en ce moment où je suis en train d’élaborer avec un ami des passages bien spécifiques. J’essaye, surtout après des échecs, de me redéfinir ou alors de trouver des questions aux réponses, aux erreurs commises.
Tu t’inspires de qui ou de quoi pour créer ?
Des gens créatifs. De tous les milieux sportifs. J’évite de me limiter à notre discipline. Si un mouvement de BMX, de Ice Skating, de Breakdance, ou autre, est intéressant et que je peux le calquer sur la planche alors j’essaye de le faire.
À part ta vitesse d’exécution, quel est ton atout majeur pour remporter les contests ?
La consistance. Même si je la travaille encore et encore car elle n’est jamais vraiment acquise.
De quoi es-tu le plus fier aujourd’hui ? Une création, un podium, autre chose ?
Je suis fier d’avoir intégré, début 2022, une marque qui me faisait rêver il y a 10 ans. Être ambassadeur chez Loaded Boards faisait partie d’un rêve de gosse.
Comment juges-tu ton parcours jusqu’à aujourd’hui ?
Épanouissant et enrichissant sur tous les points. Je suis reconnaissant et j’ai de la chance même si elle est en grande partie provoquée.
Un bon souvenir en longboard ?
Lors de mon dernier tournage pour Loaded Boards. Rider sur le toit d’un gratte-ciel à Los Angeles… C’était une sacrée expérience.
Des projets ?
Oui, j’ai pour projet de monter un Longboard Camp en Californie avec un ami américain en 2023. Aussi, j’ai récemment décidé de quitter mon emploi pour me consacrer presque intégralement à ma pratique donc je suis aujourd’hui en recherche active de partenariats et projets.
Un message pour les débutants ?
Pratique, fun et détermination. 3 mots peuvent faire bouger des montagnes.
Des gens à remercier ?
Ma fiancée Cécile car elle est de bons conseils et me suit partout (et me supporte haha)
Les frères (mes amis très proches) qui m’ont donné la flamme pour cette discipline.
Ma sœur et ma mère pour avoir cru en quelque chose quand personne n’y croyait vraiment.
Le grand-père pour avoir inconsciemment planté une graine d’inspiration qui continue à faire son chemin jusque par-delà la vie.
Merci à toi
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