Un art, un sport ou les deux ?

Ce titre sonne comme un énoncé de l’épreuve Sel ou Poivre de Burger Quiz mais derrière cette question, se cache une vraie réflexion.
On parlait récemment de la persévérance, une des nombreuses qualités du rider et aujourd’hui je voulais consacrer cet article à la créativité dans le sport et notamment les sports du freestyle.

Vous en connaissez beaucoup des sports créatifs ?
Comme la plupart des pros riders et surtout les plus anciens, je fais pas mal d’interviews pour des magazines et médias et avant parler de moi, je dois avant tout présenter mon sport, le BMX Flatland.  Et ce que je dis toujours, c’est que cette discipline du BMX se démarque des autres car on récompense avant tout la créativité. Avant la performance, la réussite et le style.
Une pratique qui aide à cultiver sa personnalité et ses différences et en faire un atout.  Si vous êtes un jeune rider qui débute, vous pourrez dire à vos parents comme argument pour avoir choisi ce sport que non seulement il développera votre corps mais aussi votre esprit en laissant libre cours à votre imagination et ça c’est plutôt classe !
En race, il faut juste arriver le premier et en street ou park, il faut faire les plus gros tricks mais en flat, ça va plus loin car il faut aussi être original pour gagner.  Et c’est assez rare pour être souligné car il n’existe pas beaucoup d’autres sports où on met en avant la réflexion et l’individualisme. Quasiment pas d’ailleurs.
C’est ce qui explique que souvent un rider créatif comme Alex Jumelin passe devant un monstre de compéte comme Matthias Dandois alors que le public ne comprend pas toujours ce choix. Le flatland est un sport artistique avant tout, comme d’autres activités similaires tels que le longboard dancing, le breakdance et certaines danses sportives.

« Laissez l’originalité définir votre individualité » disait la Props Groundwork il y a deux décennies mais tous les riders ne sont pas forcément originaux. C’est même assez rare. Tout le monde n’est pas Kevin Jones, Chase Gouin, Jesse Puente, Martti Kuoppa , Dennis Mc Coy ou Akira Okamura et heureusement d’ailleurs car ce serait vite le bordel. La plupart des riders internationaux se contentent de suivre les tendances et d’apporter une petite touche d’originalité pour se démarquer mais très peu prennent le risque d’inventer des tricks.
D’autres riders comme Alberto Moya , Jean-William Prevost, Lee Musselwhite ou encore Mathieu Bonnecuelle sont sur le créneau de l’originalité mais il faut bien reconnaitre qu’il s’épuise un peu. Non pas que tout a été inventé mais avec le riding sans frein, il est de plus en plus dur de trouver des tricks inédits aujourd’hui qui ne sont pas impossibles à rentrer en compétition.
Et c’est bien là tout le problème selon moi (et cela n’engage que moi). Car le format de la compétition ne va pas toujours dans ce sens, bien au contraire et avec l’arrivée de la fédération du cyclisme qui s’est approprié le BMX, on file droit vers les tricks imposés et les notes définies pour chaque figure réussie. La mort programmée du freestyle et de la créativité si chère à cette discipline. Le flat sera comme le park avec un jugement qui récompense la performance.
J’en veux pour preuve que depuis plusieurs années maintenant,  la terre entière est influencée par les riders français comme Alex Jumelin, Matthias Dandois ou Raphaël Chiquet qui servent de modèles pour tous les riders du monde. Chacun vient ensuite apporter quelque chose de nouveau mais la base reste le style français en ce moment, et c’est assez cool et amplement mérité.  Mais qui a gagné le championnat du monde officiel de la fédé cette année ? Le tchèque Dominik Nekolny qui se contente essentiellement de reproduire les idées de Martti Kuoppa et Viki Gomez en les poussant à leur paroxysme mais sans la moindre originalité. Tout est basé sur la réussite alors que ceux qui avaient utilisé leur cerveau se retrouvent derrière. Dom est un excellent rider et son run est absolument fantastique c’est certain mais cette évolution ne va pas dans le bon sens selon moi. Il faut continuer à privilégier les idées pour que ce sport avance. J’observe le BMX Flat depuis plus de trente ans et pour la première fois, j’ai un mauvais pressentiment sur son avenir. On se dirige vers l’uniformisation au lieu de mettre en avant ce qui en faisait sa richesse et substantifique moelle.
On peut rêver qu’Alex Jumelin prennent un jour les rennes de la FFC pour qu’on retrouve l’âme de notre passion mais en attendant, on étouffe le coté innovant de ce sport en tentant de le contrôler.  Le patinage artistique n’est plus vraiment artistique et le BMX prendrait-il le même chemin ? On verra bien mais je suis quand même persuadé que le flat a encore de beaux jours devant lui même si on est loin de l’effervescence créative des années 80.

On dit que la créativité c’est le début de la liberté. Et la liberté est principalement le fondement même du sport Freestyle. Alors ne perdons pas cela. Continuons d’inventer et de faire de ce sport un véritable art au sens le plus noble.

 

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