Entretien avec Laura Lepoittevin

« Le downhill est à la fois source d’adrénaline et la douceur de se sentir libre »

Portrait d’une athlète qui a choisi l’une des disciplines les plus extrêmes du skateboard avec cette pratique riche en adrénaline. Le longboard downhill consiste à dévaler des routes avec des virages et obstacle à parfois plus de 100 km/h. Des descentes qu’on pourrait qualifier de « dangereuses » mais qui ne le sont pas tant que ça car comme Laura Lepoittevin, ces sportifs sont préparés et entrainés pour ce type d’exploit.
La rideuse normande nous dit tout sur cette tendance qui fait la part belle aux sensations fortes :

Une petite présentation ?
Je m’appelle Laura Lepoittevin, 28 ans, Présidente de l’association R.A.S (Riders d’Asphalte Survoltés), j’habite une petite commune dans le Cotentin (Manche, 50) que j’apprécie particulièrement, car j’y ai grandi, passé mes étés et vécues de nombreuses choses. J’aime le partage de savoir-faire, le partage que l’on peut retrouver à travers les sports. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai particulièrement aimé le longboard… ce sport si particulier et méconnu mais c’est peut-être mieux comme ça, c’est ce qui fait son charme d’ailleurs.
La première fois que je suis montée sur un longboard c’est un longboard de ballade (cruising) en 2013… et depuis j’ai exploré une autre discipline que j’ai appris à apprivoiser petit à petit et à m’en faire une grande amie… le downhill ! Je ne suis pourtant pas vraiment casse cou, assez peur de la vitesse, mais ce qui est étonnant c’est que je n’ai jamais eu peur de la vitesse sur un longskate ou presque … J’y suis allée petit à petit en ayant plutôt confiance en moi.

Et comment présenterais-tu ton sport au grand public ?
Souvent quand les gens me demandent ce qu’est le longboard, je présente d’abord les différentes disciplines existantes. De la plus accessible par tous jusqu’à la discipline qui demande de l’entrainement et des choses à connaitre. Le downhill longboard est souvent représenté comme un sport dangereux, de casse cou, « inconscient »… Alors qu’au contraire…. C’est un sport qui possède une fédération, des associations, des organisateurs, des règles de sécurités émises et rappelées par ceux ci. Autant vous dire que c’est un sport « maitrisé » car les associations essaient de faire passer un maximum de messages aux riders et surtout aux nouveaux riders qui s’initient. Le Longboard Downhill renvoie souvent une mauvaise image à travers les réseaux sociaux par le manque de protection par exemple. En France il en est tout autre… les riders sont pour la plupart protégés. C’est un sport à risque comme tout sport de vitesse. Maîtriser la vitesse s’apprend petit à petit avec la pratique d’une part, mais aussi avec les précieux conseils que donnent les riders expérimentés qui sont passés également par une phase d’apprentissage. Le fait de savoir que l’on peux atteindre les 100 km/h sur 4 petites roues n’arrêtera pas de m’impressionner. Cette sensation de planer, de gérer avec son corps les trajectoires que l’on veux prendre. Chacun a son propre style et sa façon de « vivre le downhill ». En résumé je vois le Longboard downhill comme un sport plus dur qu’il en a l’air, avec différentes façons de se l’approprier en jouant avec la vitesse, la trajectoire. C’est un sport qui fait découvrir les paysages et l’asphalte différemment. Le downhill est à la fois source d’adrénaline et la douceur de se sentir libre.

Photo Annie BOSSU

Photo Annie BOSSU

Comment as-tu connu le longboard DH ?
Quand j’ai commencé à être à l’aise sur ma planche en toutes circonstances et après de nombreuses randonnées et ballades avec, j’ai voulu en apprendre davantage. Comme tout le monde j’ai regardé des tas de vidéos de Longboard sur lesquelles j’ai vu qu’on pouvait freiner autrement qu’avec le pied par terre. Ça m’a particulièrement attirée, je trouvais ça un peu plus sportif et surtout impressionnant. J’ai rencontré un groupe de personnes qui se réunissaient au moins une fois par semaine sur un lieu précis afin d’apprendre à freiner de différentes façons. Pour moi cela représentait des figures spectaculaires. Étant la seule fille dans le groupe, ça m’a particulièrement motivée à réussir à faire pareil que les garçons. J’avais que ça en tête, m’entraîner, m’entraîner, y arriver enfin après de nombreuses chutes. Et être à laise pour freiner à n’importe quel moment. C’est à partir de là que je me suis renseignée sur le Longboard DH. Car il faut savoir que pour pratiquer le DH il faut savoir freiner en toutes circonstances … imaginez-vous à 80 km/h et ne pas savoir freiner … voilà comment arrivent les accidents… Avant de me lancer j’ai regardé beaucoup de vidéos et je suis tombée sur une vidéo qui m’a particulièrement intriguée, car c’était une bande de filles qui dévalaient des cols de montagnes. Je me suis sentie doublement intéressée car c’étaient des filles. Je me suis beaucoup inspiré d’elles « Longboard girls crews », et je me disais « un jour tu seras à leur place sur les cols de montagnes » depuis j’allie vitesse et freinages sur différents cols de montagnes, c’est un épanouissement total.

Qu’est-ce qui t’a séduit dans ce sport à risque ?
Déjà, bizarrement je n’ai jamais catalogué le Longboard comme un sport à risque, car je n’ai pas brûlé les étapes, j’ai appris à mon rythme, j’ai été motivée par d’autres Riders qui m’ont fait prendre confiance en moi et surtout ce que j’ai aimé dans ce sport c’est le partage. Dans Beaucoup de sports, pour apprendre quelque chose il faut payer. Ici non, tout est dans l’entraide, les expériences de chacun, le partage et le plaisir de rouler ensemble main dans la main. Ce que j’aime particulièrement dans ce sport c’est que finalement c’est vrai, il y a plus de garçons que de filles mais il faut souligner que les filles sont tout aussi douées que les garçons et qu’on est vraiment égaux. Il n’y a pas d’équipe garçon, ni d’équipe fille. Au contraire les garçons aiment nous pousser à nous dépasser et aiment rouler avec nous. Le Longboard m’a beaucoup fait voyager, en France mais aussi à l’étranger. C’est quelque chose de formidable ! Le Longboard est fait de nombreuses rencontres, qui pour certaines deviennent de réelles amitiés que l’on retrouve d’années en années sur les événements organisés par les associations sur route fermée. Partage, voyage, rencontres, liberté, adrénaline, voilà selon moi les maîtres mots du Longskate.

Peux-tu nous parler de ton parcours depuis tes débuts ?
J’ai commencé avec un Cruiser pour me balader sans même penser qu’un jour je finirais par être sur un Longboard dans les cols de montagne à plus de 70 km/h … autant vous dire qu’il s’en est passé des choses… Quand j’ai commencé le longboard, je voulais vraiment m’engager encore plus. j’ai donc créé une association de longboard dans ma région afin d’organiser des freeride sur route fermée et satisfaire un grand nombre de riders. Cette association est une satisfaction et une fierté. J’ai ensuite été approchée par plusieurs marques de fabricant de longboard et roues, et en contrepartie je devais créer du contenu sur les réseaux sociaux dont Instagram. Je suis très investie pour ce genre de choses et c’est avec plaisir que je le fais. A présent je suis sponsorisée par Victorwood, une belle marque italienne de longskate, et Remember, une marque de roues. Etre sponsorisé est un grand mot et personnellement pour moi c’est motivant, mais le plus important c’est de rouler pour soi, et se faire plaisir.

Quel est le meilleur spot en France et dans le Monde pour le freeride en DH ?
Alors ça c’est vraiment une question de point de vue et de style de ride et aussi de niveau car certains spots sont plus appréciables selon le niveau que l’on a. Personnellement le spot qui m’a marqué par sa beauté de paysage, sa richesse d’enfilades, de courbes c’est le Col d’Izoard (dans les Hautes-Alpes) et la Pierre Saint Martin (Pyrénées). A l’étranger, c’est un spot en Slovénie qui m’a séduite sur le célèbre évènement « KNK LONGBOARD »… Après chaque spot a son charme selon moi.

Tu es plutôt route fermée ou ouverte ?
Je suis plutôt route fermée, j’ai beaucoup plus pratiqué sur route fermée grâce à des évènements organisés, alors que sur route ouverte c’était pendant les road trips, et je vous l’avoue même si nous sommes hyper prudents avec la sécurité (talkie, voiture ouvreuse… etc), la route fermée est plus « confortable » pour moi car je roule plus librement, et je suis bien plus à l’aise et donc je prends bien plus de plaisir. C’est complètement différent.

Ton meilleur souvenir en longboard ?
Dans ce milieu il y en a rarement qu’un ! Mais les descentes en groupe avec mes copines main dans la main sont vraiment intenses. Qu’est-ce qu’on rigole quand nous sommes entre filles 🙂 ! J’aime aussi être avec les garçons car ils me motivent et me poussent à me dépasser.

Peux-tu nous parler de ce sentiment de liberté et des sensations qu’on éprouve en dévalant une route sur un skateboard ?
Ça m’impressionnera toujours autant de rendre possible de descendre sur 4 petites roulettes à plus de 80 km/h… C’est est dur à expliquer mais de sentir le vent nous frôler de plus en plus fort en allant de plus en plus vite est juste incroyable…

Comment vois-tu l’évolution de la discipline et ses nombreux dérivés ?
Le longskate s’ouvre de plus en plus, mais j’ai peur que cette discipline si particulière, perde son charme en devenant de plus en plus connue …. Je pense franchement que le longboard downhill ne va pas vraiment évoluer auprès du grand public et cela ne serait peut-être pas plus mal. Ou alors il faut que cela évolue d’une manière intelligente et pas forcément sur les vidéos des réseaux sociaux où beaucoup de personnes pensent que c’est facile et cela finit malheureusement en accident…

Pourquoi on voit si peu le longboard downhill dans les médias traditionnels selon toi ?
Car la discipline est très peu connue finalement… Et c’est un sujet sensible, car la plupart des médias présentent malheureusement la discipline comme dangereuse et nous font passer pour des « casse-cou » et inconscients… Je pense aussi que nous voulions garder cette discipline méconnue au grand public.

As-tu une idole ou un modèle ?
Hé non même pas, j’admire juste tous les riders et rideuses bien plus douées que moi 😄 .

Ton actu et tes projets aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis toujours sponsorisée par les belles board de chez Victorwood, c’est un régal ! J’aime être sur cette board. J’avoue être un peu moins active qu’avant sur les réseaux sociaux, ayant beaucoup d’occupations autres que le longboard mais je suis toujours motivée et prête à traverser la France entière pour juste un week end à rider sur route fermée et retrouver tous les copains.

 

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Existe t-il une école ou un endroit reconnu par l’état pour apprendre le DH ?
Non pas vraiment, il y a des « écoles » de skate mais pas de longboard downhill car c’est vraiment un sport de partage et le meilleur apprentissage c’est d’essayer et de recevoir les conseils des riders les plus expérimentés. Il faut tomber pour comprendre pourquoi cela ne l’a pas fait. Il existe cependant des « stages » mais pas d’écoles.

Un message ou un conseil pour celles et ceux qui souhaitent se mettre au longboard de descente ?
Se rapprocher auprès d’une association de longboard ou d’un groupe comme on peut trouver sur Facebook pour pouvoir échanger, partager les savoirs faire et recevoir les précieux conseils. Rouler ensemble procure plus de plaisir et c’est surtout plus sécurisant, car s’il y a une mauvaise chute nous ne serons jamais seuls. Et enfin y aller à son rythme et ne pas bruler les étapes. Mais le plus important est de se faire plaisir et avoir des sensations !

Des gens à remercier ?
Je remercie grandement toutes les associations de longskate qui se démènent pour organiser les évènements sur route fermée, pour satisfaire un grand nombre de riders car je suis bien placée pour savoir que c’est beaucoup d’implication sur son temps personnel. Mais c’est grâce aux associations que la discipline existe et que des évènements sur routes fermées voient le jour. Je remercie également toutes les personnes qui m’ont donné un jour un conseil, un détail qui m’a fait progresser et vaincre certaines appréhensions. Je remercie enfin Victorwood et Remember pour leur grand soutien.

Merci à toi et bon ride