Les sports de glisse aux Jeux Olympiques

Les sports de glisse ne pouvaient pas rester underground éternellement vu leur engouement actuel. Les JO contribueront certainement à faire évoluer ces sports à condition qu’ils ne perdent pas leur âme au passage.

On avait déjà le snowboard et le ski freestyle mais là c’est un raz de marée qui débarque. Le CIO (Comité international olympique) a décidé d’intégré le surf, le skateboard, le BMX et l’escalade aux jeux de Tokyo 2021. Et ces sports seront aussi présents pour l’édition 2024 qui aura lieu à Paris avec l’ajout également du kitesurf et du break-dance.
« Paris 2024 a fait le choix de sports jeunes, créatifs, spectaculaires et en phase avec leur époque » peut-on lire sur le site des JO.
D’autres sports comme le parkour, le longboard, la trottinette freestyle ou le BMX flat devraient aussi faire leur apparition prochainement, une fois qu’ils auront trouvé un accord avec les différentes fédérations. Avec forcément une couverture et une exposition médiatiques impressionnantes qui vont faire connaitre ces sports au monde entier. En plus de ce dispositif qui va promouvoir nos sports considérablement, cela va créer un nouveau levier de développement incroyable pour les clubs et associations. Cela a déjà commencé et c’est une des raisons qui font qu’on parle de plus en plus du skate, du BMX et du surf dans les médias traditionnels aujourd’hui.
Un sujet qui fait couler beaucoup d’encre et qui divise au sein de la communauté. Un conflit de culture anime le monde des riders, certains y voyant une normalisation de la pratique du skate contraire aux principes d’une contre-culture.

À partir du moment où il y aura les bonnes personnes aux bons postes qui feront en sorte de garder l’esprit et l’âme du sport intacts, cela devrait définitivement installer les sports extrêmes dans les mentalités et ces sports ne seront plus considérés comme alternatifs ou underground. Ça c’est pour la théorie mais en pratique, c’est tout le contraire car les personnes qui sont aujourd’hui en charge de développer nos sports aux JO n’ont absolument aucun lien avec cet univers et cet esprit. Ce qui a inévitablement créé des tensions et scindé en deux le style de riders. D’un coté, les performers et compétiteurs qui sont contents de voir leur passion devenir olympique et d’en faire un vrai métier et de l’autre, environ 95% du reste des riders, ceux qui souhaitent que ce sport reste marginal, rebelle et avant-gardiste avec ces valeurs et cette authenticité qui a contribué au succès de cette activité hors-norme.

Une évolution naturelle pour certains et une opportunité commerciale pour d’autres. Chacun son camps. Le skate, toujours dans son esprit contestataire, n’a pas accueilli la nouvelle avec joie. Ce sport a toujours refusé le mainstream tout en ayant les deux pieds dedans mais c’est aussi ce qui fait son charme.
Un des gros dilemmes soulevés par cette nouvelle vient principalement du fait que ces sports sont gérés par les mauvaises fédérations. Le skate par la fédé du roller et le BMX par la fédé du cyclisme par exemple donc des gens qui ne sont pas passionnés ou investis plus que ça à la base et qui se retrouvent aux commandes pour défendre et promouvoir un sport qu’ils n’affectionnent pas autant qu’on le souhaiterait. Tant qu’il n’y aura pas une fédé pour les sports urbains, ça créera ces conflits internes de légitimité.   Le parkour/Freerun est dans les petits papiers pour être intégré aux Jeux de Los Angeles 2028 avec une présentation à Paris mais il est géré par la fédé de la gymnastique… bien loin de l’esprit du ride et du dépassement de soi qu’on retrouve dans l’univers des sports à sensations fortes.
Mais ne diabolisons pas les jeux olympiques pour autant, car tout ne va être révolutionné non plus. Les avantages sont qu’il y aura plus de médiatisation et de moyens donc plus de pratiquants à long terme et ça créera des emplois pour les formateurs, organisateurs d’événements ou fabricants de matériels. Bref tout le monde y trouvera son compte et les sports en sortiront forcément grandis. Avec à la clé des brevets d’états et des subventions pour les riders qui deviendront officiellement des athlètes de haut niveau pour ceux qui le désirent.
Pour résumer, ceux qui souhaitent vivre de leur passion seront ravis et ceux qui veulent que ça reste un loisir intimiste et communautaire font la gueule, c’est pas plus compliqué que ça.  Au final, cette démocratisation des sports de glisse aura juste accentué le phénomène de scission entre ces deux mondes. Deux mondes maintenant parallèles qui ne sont pas forcément destinés à cohabiter ou à se rencontrer, les riders « core » d’un coté et les professionnels de l’autre.

SKATEBOARD

Après avoir été testés avec succès aux Jeux Olympiques de la Jeunesse de Buenos Aires en 2018, le skate et le BMX vont donc faire leur entrée au programme des Jeux de Tokyo en tant que sport additionnel.
Concernant la célèbre planche à roulettes, le comité a sélectionné deux disciplines : la rampe et le street avec des épreuves masculines et féminines. Douze médailles seront donc attribuées en tout avec 20 concurrents dans chaque catégorie.
Si vous lisez ces lignes et que vous êtes étrangers à ces termes alors sachez que le « Street » est une discipline qui se déroule sur un parcours ayant l’aspect d’une rue avec des escaliers, des rampes, des bancs, des murs et des plans inclinés. Dans cette épreuve, on privilégie surtout la technique et c’est aussi la discipline la plus pratiquée au monde par les skaters. Et pour le park (ou skatepark), ce sont des gros modules comme des rampes, bowl et courbes qui servent principalement à s’élancer en s’envoyer le plus haut possible pour réaliser des figures folles. Cette discipline met en avant la performance et la réussite.

Les favoris pour représenter la France sont Aurélien Giraud, Vincent Milou, Charlotte Hym, Vincent Matheron, Madeleine Larcheron ou encore Shani Bru et voici justement ce qu’elle nous disait il y a quelques mois au sujet des JO :
« les Jeux Olympiques, c’est important et c’est bien d’avoir cette opportunité mais d’un autre côté, je m’en sers surtout pour faire évoluer ma pratique et peut-être vivre des bons moments. Pour moi, l’objectif n’est pas d’être une athlète olympique mais juste faire du skate. Ceux qui ont un avis défavorable des JO sont des personnes qui ne se sentent pas concernées par ça et je les comprends bien. A la limite, c’est une opportunité pour voyager et voir des amis et peut-être visiter des skateparks qu’on a pas en France sinon ça n’a aucun intérêt. Je comprends aussi que cela puisse faire peur car des personnes malveillantes pourraient avoir envie de s’approprier les choses. Et cela pourrait même faire changer la mentalité de certains compétiteurs. Je suis aussi là pour essayer de garder cet esprit cool du skate et j’espère qu’on aura une bonne influence. Parce que ça se fera sans nous et ça pourrait être encore pire donc finalement, il faut en être juste pour ça. J’entends tout à fait les critiques qu’il peut y avoir car le skate et les pratiques urbaines sont des choses très personnelles. On s’est fait tout seul, en tout cas moi j’apprends mes figures toute seule. Personne ne me dira ce que je dois faire et ça, ça ne changera pas. Le but est de garder l’authenticité du skate« .
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BMX FREESTYLE

Il est important de préciser le terme « Freestyle » car la discipline de la « Race » (une course sur une piste en terre) existe depuis 2008 aux Jeux Olympiques. Et parmi les disciplines du BMX Freestyle, seul le park a été retenu pour Tokyo 2021 et Paris 2024. Notre ami Matthias Dandois (octuple champion du monde) devra donc attendre 2028 pour sa médaille d’or car pour l’instant sa discipline (le flat) ainsi que le street, le dirt ou la vert ne sont pas sélectionnés.
Le park est de loin ce qui se fait de plus engagé et impressionnant (avec le Big Air) donc ça plaira forcément au grand public. Chaque rider aura deux runs d’une minute pour convaincre et l’emporter. C’est très court et c’est donc celui qui prendra le plus de risques qui l’emportera avec du beau spectacle garanti.
Après son échec cuisant des années 90, la fédération du cyclisme retente le coup et a récemment récupéré le BMX Freestyle pour son intégration aux JO et même s’il elle est loin de faire l’unanimité en France, aucune autre fédé n’était sur le coup donc pas le choix. À noter cependant qu’elle s’appuie sur l’expérience et le savoir-faire de l’équipe du FISE qui fait un travail titanesque et formidable depuis plus de vingt ans pour le développement et le rayonnement du BMX en France (et dans le monde). C’est pas pour autant que les riders prendront une licence et iront rouler avec un maillot bleu-blanc-rouhe en lycra mais comme on est au point mort depuis le début de la pandémie, ça permet de faire un peu bouger les choses dans cette triste situation sans aucun évènement physique depuis plus d’un an.
Chez les frenchies qui vont défendre nos couleurs au Japon, le grand favoris est Anthony Jeanjean (22 ans) qui a terminé 11 éme aux derniers championnats du Monde en Chine. Et chez les femmes, c’est Magalie Pottier qui a de grandes chances de ramener une médaille à la maison.

Le BMX Flat aux Jeux Olympiques  pour Joris Bretagnolles :
« Ce serait fabuleux que le flat soit aux JO, même si sur le principe ça ne change rien mais ça donne de la crédibilité auprès des personnes lambda comme mon travail (conducteur de train – NDLR) par exemple qui peut donner des subventions. Et puis, je trouve ça super de pouvoir représenter ce pays si merveilleux en ce temps où tout le monde crache dessus. Et bien sûr que j’aimerais en faire partie, ça serait splendide! Même si je vieillis, je travaille tous les jours et de plus en plus pour faire mon comeback! »
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SURF

Les historiens ne sont pas tous d’accord sur les origines, le lieu et la date de l’apparition du surf (entre Hawaii, Tahiti ou la Californie) mais on sait que ce sport existe depuis plus de cent ans et c’est un loisir particulièrement apprécié et pratiqué dans le monde entier. Il parait donc normal et logique de le voir arriver aux Jeux Olympiques. La première épreuve sera organisée sur les vagues de  l’océan Pacifique sur les spots de Shidashita et Tsurigasaki (Chiba) et pour l’instant, il n’y a que la discipline du shortboard (petites planches) qui sera présente au Japon. Le longboard devra patienter encore un peu.
À partir de juillet 2021, on pourra alors admirer 20 femmes et 20 hommes en compétition pour la toute première fois aux Jeux Olympiques. Comme d’habitude, les américains, australiens et brésiliens vont se disputer le titre mais les français qualifiés (Michel Bourez, Jérémy Florès et Johanne Defay) sont aussi bien placés pour créer la surprise.

L’avis de Justine Dupont sur la présence du surf aux Jeux Olympiques : 
« C’est chouette… Je suis un peu moins sur le circuit, mais  je vais commenter les épreuves au Japon et je suis en même temps représentante des surfeurs à la Fédération Internationale. Ce qui est chouette, c’est que c’est une grosse plateforme. Pour les surfeurs aujourdhui, c’est une plateforme qui permet de rendre le surf encore plus crédible, d’être encore plus vu comme un sport professionnel. Cela permet aussi d’avoir beaucoup plus de marques grand public et de marques différentes qui s’intéressent au surf et qui permettent de sponsoriser les surfeurs, d’avoir des budgets, d’avoir plus d’entraînements… Au niveau sponsoring, le surf aux JO aide énormément de personnes. Tu peux avoir un projet et vendre ton projet, avoir un objectif.. Les Jeux, cela reste la compétition la plus belle, la plus grosse, la plus impressionnante.
 Il y aura plus de surfeurs dans l’eau ensuite, mais c’est une belle discipline, ok pour partager ! »
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Et il faut savoir que beaucoup de riders de légende (Kelly Slater, Mick Fanning ou encore Stephanie Gilmore) réclamaient depuis longtemps l’entrée de leur sport aux JO. Leur rêve va enfin devenir réalité, même si pour d’autres, le cauchemar commence.

Kitesurf

Survoler les vagues et l’océan à l’aide d’un cerf-volant et la force du vent est un loisir de plus en plus apprécié et pratiqué et c’est donc sans surprise que le kitesurf fera son entrée aux JO de Paris dans 3 ans. Une seule médaille au programme et elle sera mixte car c’est l’épreuve du kiteboard avec une course en relai qui a été sélectionnée avec une seule équipe (un couple) par pays. 8 à 10 couples sont encore en compétition pour représenter la France aux JO et même certains champions du monde comme Axel Mazella ou encore Nicolas Parlier (fils de Yves).  À noter que cette épreuve aura lieu en foil, une aile révolutionnaire reliée à un mât qui génère un soulèvement de la planche s’élève au-dessus de l’eau grâce à la vitesse.

Et il est important aussi de noter que le Windsurf qui est présent depuis 2008 aux JO, change de support lui aussi et passe du RSX au iQFoil pour la première fois. On pourra donc voir ces athlètes prendre de la hauteur à Paris en 2024 !

Que représentent les Jeux Olympiques pour Jessie Kampman ?
« Les JO représentent pour moi le rêve ultime et l’aboutissement personnel de tous les athlètes pratiquant un sport olympique. La voile par exemple (incluant maintenant le Kitefoil) comprend tellement de sacrifices et d’investissement, que tous les sportifs à ce stade ont nécessairement les JO comme objectif majeur. En effet, ceux qui ne s’y voient pas y participer ne vont généralement pas dépenser autant de temps, d’énergie et d’argent sans avoir comme but ultime d’aller aux Jeux ».
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